Lorsque nous avons fait halte chez un paysan, le maître a levé les yeux vers les gros nuages qui roulaient au gré du vent. « Regarde, m’a-t-il dit, voici une bonne image du chaos. C’est ton point de départ. Dans le chaos et l’obscur réside le mystère originel. Suis toi aussi, le principe cosmique pour donner vie à ta création. Comme le ciel, crée à partir du chaos. Suis ton intuition et débroussaille l’informe pour aller à travers les formes au-delà de celle-ci (…). La forme naît de l’informe : il ne faut pas avoir peur du chaos.

L’acte de peindre doit être l’agir du non-agir, l’agir naturel, sans désir, qui n’est pas tourné vers le moi. C’est par l’oubli de soi qu’on obtient la fusion avec le Ciel, avec le tout. Cesse de penser, de vouloir, de calculer. Instaure en toi la source de ton cœur. Fuit le rationnel, le conventionnel…

C’est l’attitude du cœur, me disait maître Huang, qui fait naître ou non le paysage. S’il est calme et sans entrave, il sera le miroir limpide de l’inspiration qui passe. Par la retenue et l’humilité, il suggérera l’insaisissable, et les éléments du paysage se placeront dans le vide de la composition comme une évidence.

« Passagère du silence » Fabienne Verdier